Dès juillet 1922, à la demande de la municipalité, les marbriers-sculpteurs Massin-fils et Boulogne de Roye ont érigé un monument aux morts que l’on peut
encore voir au cimetière de la ville.
Il s’agit d’une pyramide en granit belge avec la mention « La ville de Roye à ses enfants morts pour la France » et l’inscription de 142 noms,
prénoms et année de naissance.
Mais dans une lettre adressée au Sous-préfet de Montdidier en janvier 1923, la municipalité précise qu’elle « a en vue l’érection, dans un jardin
public ou sur une place, d’un monument beaucoup plus important ».
La réalisation de ce monument fut confiée à des artistes à la réputation bien établie : le sculpteur Jules Déchin, l'architecte
Rubin et l'entrepreneur Petit. Leurs trois signatures apparaissent sur le monument dont le prix s'élevait à 80 000 francs ( environ 80 000 euros).
Réalisée en pierre de Romanèche (Ain), cette composition bifrons est un des monuments les plus remarquables du département.
De part et d'autre d'une pyramide, se dressent la Guerre et la Paix, représentée allégoriquement, l'une par la veuve et
l'orphelin devant des ruines, et l'autre par une femme figurant la ville de Roye reconstruite.
Les deux statues frappent l’imagination : le visage ravagé et douloureux de la Guerre, sa position agenouillée devant le corps
de l’enfant s’opposent à la femme élancée et pacifique qui s’élève de l’autre côté du monument.
Le choix de l’emplacement de ce monument donna lieu à de vives querelles. On évoqua d’abord une propriété située sur le rempart
du Château, don d’un notable royen.
Mais d’autres voix s’élevèrent pour qui « Le monument aux morts doit être situé dans un endroit tel qu’il se manifeste
à l’attention de tous, sans qu’en ait à le chercher … »
D’autres Royens proposèrent l’intersection des routes de Nesle, Péronne, Noyon, pour rappeler doublement l’invasion et le
souvenir des disparus … (Extrait de l’article de J.P. Rincheval « Querelle autour d’un monument » paru dans le Courrier picard du 12 novembre 1991).
Le monument sera finalement construit sur ce qui est actuellement la place des Combattants.
L’inauguration du monument eut lieu le 21 juillet 1927, en présence de nombreuses personnalités dont Edouard Herriot, Ministre
de l’Instruction publique comme l’atteste l’inscription au bas du monument.
« En cortège par la ville, au milieu d’une population extrêmement dense, les autorités quittent la salle du banquet
pour se rendre au Monument aux Morts … La Place est, ainsi que le mémorial lui-même, parée, fleurie, ornée avec un goût parfait … » (Journal d’Amiens 1927).
Dans son allocution, le président du comité d’érection décrit la sculpture.
« En avant du monument sculpté dans un marbre bien français, c’est la ville de Roye souvent éprouvée, mais toujours
belle, au profil digne et fier, qui laisse tomber une palme sur une pauvre tombe de poilu. …
Sur l’autre face, c’est plus saisissant encore, il n’y a que nous habitants des pays envahis qui pouvant évoquer ce triste
souvenir : une femme, une Picarde, une Royenne rentre dans sa cité meurtrie …
Elle est assise sur une pierre en ruines, prostrée dans son immense détresse … et son petit garçon sanglote sur sa
poitrine. Quelle beauté dans la douleur, quelle poignante expression d’un sentiment que nous avons tous ressenti. »(extrait de l’article d’E. Abadie « Regard de
femme » paru dans le Courrier picard du 12 novembre 1991 »)
M. Herriot monta le dernier à la tribune :
« L’appel funèbre de ces noms glorieux est plus éloquent que tous les discours … Chacun dans le pays, certes, a fait son devoir. Mais vous, combattants de la
région envahie, vous l’avez fait deux fois, en luttant contre l’envahisseur d’abord, en relevant vos ruines ensuite ». (Journal d’Amiens 1927).
A l’issue de la solennité, la musique du 51è Régiment d’Infanterie donna un concert qui obtint le plus vif succès.