L'EPIGRAPHIE
Face à la tragédie de la Grande Guerre et aux millions de victimes, une demande mémorielle naît assez tôt en France. La loi du 25 octobre 1919 lance le recensement des disparus de chaque commune de France.
Le monument aux morts est avant tout une tentative de donner un sens à la mort de 1,3 millions de jeunes hommes sur le champ de bataille. Tous ces morts doivent être tombés pour "quelque chose", comme le dit Annette Becker. Et ce quelque chose c'est la France
L'idée est d'élever tous ces morts en martyrs sacrifiés pour la nation. Le statut de "mort pour la France" est introduit par la loi de 1915. Son attribution a une grande importance pour la famille du disparu : elle ouvre droit aux pensions pour les veuves et au statut de pupilles de la nation pour les enfants.
"La commune de X, à ses enfants morts pour la France" : telle est la formule officielle consacrée que l'on retrouve majoritairement dans les communes de la Somme. ( à plus de 80%)
La référence à la Patrie apparaît sur de nombreux monuments :
"à ses enfants morts pour la Patrie, "Pro Patria", "ils ont bien mérité de la patrie".
A la mémoire de
De nombreuses communes glorifient leurs "héros"
La commune de Thory remercie "ses défenseurs" ; Morisel, honore "ses morts", Cagny "ses enfants victimes de la guerre"
Certaines communes remercient leurs héros "tombés au Champ d'Honneur" (Berteaucourt-lès-Thennes, Bosquel, Croixrault, Domléger-Longuevillers ...
Apparaissent aussi les adjectifs "glorieux", "héroïques", "reconnaissante" ...
A noter la dédicace inscrite sur le monument de Woincourt où ce sont les habitants qui honorent leurs morts.
Et celle sur le monument de Tully, surmonté d'une croix latine, dédiée " à nos frères morts pour la Patrie",
Certaines dédicaces engagent l'avenir et le développement mythique patriotique du soldat toujours prêt.
Aux pieds du soldat de Lanchères, au garde-à-vous, on peut lire : "Veillons, c'est pour notre France".
Ou encore à Morchain : "La France sauvée par son sacrifice, continue sa mission dans le monde".
Les grands moments de la guerre sont rappelés : Yser, Marne, Somme, Verdun ...
Les vivants sont invités à se souvenir, à se recueillir pour ceux qui ont sacrifié leur vie (Longpré-Les-Corps-Saints, Longueau, Arvillers, Framerville-Rainecourt, Hailles, Embreville ...)
A Marquaix-Hamelet, à l'arrière du monument, on peut lire :
A ceux
Qui ont donné leur vie
Pour la Patrie
Et pour un meilleur avenir
A nos jeunes héros
Notre gloire pure et douloureuse
Dans le pieux souvenir
Dans l'invincible espérance.
Et bien sûr, le célèbre poème de Victor Hugo illustre les monuments de plusieurs communes :
"Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie,
Ont droit qu'à leur tombeau la foule vienne et prie.
Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau.
Toute gloire près d'eux passe et tombe éphémère ;
Et comme ferait une mère,
La voix d'un peuple entier les berce en leur tombeau".
Victor Hugo, Hymne in Les Chants du crépuscule, 1831
Le monument aux morts de la commune de Devise, placé devant la mairie, a la particularité de ne pas figurer un combattant, mais une femme.
Et pas n'importe quelle femme ! "C'est la statue de Mlle Agasse, la maîtresse du village ... Pendant la guerre, elle a tenu tête courageusement aux Allemands ... Pour l'honorer le maire a fait édifier ce monument." (propos du Maire)
C'est donc un monument, d'autant plus "remarquable", qu'il se révèle être un des seuls monuments, ouvertement pacifistes, de la région, affichant la devise "POUR LA PAIX".
Certaines dédicaces regroupent de façon redondante un grand nombre de ces formulations.